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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 10:55

La flamme d’une écriture, force d’infinitude et de déchirure, celle de Daniel Arsand qui nous narre en ce court roman d’une densité poétique rare, la magnifique passion de deux êtres que tout devrait séparer et que l’intolérance arrachera l’un à l’autre…

 

Nous sommes au 18ème siècle, mais qu’importe l’époque puisque tout amour pareil à celui-ci est intemporel, et c’est en cela qu’il touche et bouleverse !

 

Violence, tendresse, douleur tout au long de cette pathétique histoire. Tout commence par l’irruption d’un cheval au galop monté par un cavalier intrépide. Parmi les genêts Sébastien quinze ans, pareil à un berger de l’antiquité garde son troupeau. « Une étendue fangeuse » entre Sébastien et le cavalier désarçonné qui s’écroule au pied du berger.

La symbolique est claire : l’étendue fangeuse n’est autre que celle d’une société intolérante et dangereuse, non l’amour qui va naître entre ces deux êtres de condition différente. Balthazar de Créon est un seigneur, Sébastien Faure un paysan qui connaît les simples. L’amour sorcier, les plantes qui guérissent… la nature toute puissante. Ils sont deux à être foudroyés et ne le savent pas encore. Sébastien murmure : «  - Je suis à vous » à l’homme tombé qu’il relève. Tout est commencé.

 

Rien ne finit jamais… du feu qui embrase corps et âmes. Ne rien dire d’autre… lire ces pages magnifiques. Frémissements d’herbes, de feuillages, frémissement de la chair.

Transcendance d’ombre et de lumière, comme dans le clair – obscur d’un tableau. Daniel Arsand est poète, peintre, troubadour. Il joue de l’ombre, de la lumière, du verbe. Il met le feu. Dix huitième siècle des bûchers, des ogres qu’on accuse d’atrocités… La cour du Roi… Versailles… Une fête qui sombre dans l’ombre blafarde qui condamne… l’abjection de la folie… une mère vaincue… « L’un n’est pas l’ombre de l’autre » écrit-il. Et tout est dit ou presque… « Ne nous quittons jamais ».

 

Liturgie profane et profonde. Simplicité, beauté, ferveur. Comme dans une tragédie antique.

C’est à Théocrite (III siècle avant J.C.) de conclure : « Ils furent l’un à l’autre sous le même et unique joug d’amour. En vérité, ces hommes étaient l’or de l’âge d’or : comme vous aimiez, vous étiez aimés ! »

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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 10:42



Et voici Robert Alexis de retour avec « Les Figures ». En France au 18ème  siècle, siècle des lumières dont il se sert pour éclairer ce qui n’est qu’obscurité dans la vie des hommes, des femmes. Tour à tour « Les Figures » alternent. La descente en spirale s’accomplit au fur et à mesure des lectures proposées. Exploration du mental, du corps en proie aux frénésies de la folie, cette dénaturation, cette altération de l’être. Remise en cause de la folie ? Est-elle guérissable, ou faut-il la laisser accomplir la révolution intime qui ravage, détruit et qui parfois peut amener une reconstruction de l’être.

 

 C’est une danse au bord de l’abîme. Implacable ! La connaissance a un prix. L’exploration de l’inconscient a un prix. Se connaître ne serait-il dû qu’aux fruits dangereux de l’expérience d’une sexualité brutalisée. Briser toute limite. 

 

Robert Alexis écrit avec une plume dure comme le diamant. Un scalpel. D’ailleurs les hommes dans ce roman, sont essentiellement des médecins, des chercheurs, à leurs risques et périls… Tout commence par un mystère, l’auteur confie à sa narratrice l’évocation de celui-ci… Narratrice qui se détourne très vite d’un fiancé trop sage, trop simple pour elle.

 

L’amour ne serait-il qu’aliéné aux tortures ? Pour ne pas dire conditionné à la torture : celle du corps ; l’âme rivée au corps est-elle prisonnière ?

 

Ici la sexualité est dominante, la femme est soumise de force, et forcée. Tribut de sa curiosité. « Barbe bleue » n’est pas loin. Celui revisité par le compositeur Bartok. La psychanalyse est sous-jacente. Elle éclosera plus tard sous la férule puritaine du 19éme siècle ; mais nous n’en sommes qu’à l’obscurantisme, à la peur de la Bête. Le Gévaudan… est là ! Le chaos des origines guère loin. Les mœurs sont imprégnées de violence, de terreur.

 

Robert Alexis ne donne guère de chance au frère de la narratrice, un jeune homme délicat (le frère d’âme du héros rencontré dans « La Robe » semble être là l’espace de quelques pages. Cette fois il meurt).

 

Dans l’assemblage de ces « Figures » il y a une descente aux enfers. Et l’auteur est un Diable endurci, il mène sont récit avec peut-être moins d’émotion. La maîtrise est maîtresse en ce livre, et si c’est là, un jeu facile, les jeux du roman sont des plus terrifiants. Le médecin le plus humain est renvoyé à l’animalité. Oh ! Il faut découvrir cette aventure et n’en rien dévoiler…

 

Splendide lyrisme, la nature inspire plus d’humanisme que l’humain semble-t-il ! Devenir, ou redevenir une bête ? Retrouver l’identité première ? Powys avait exploré cela dans « l’Apologie des sens » d’une manière plus contemplative avec le moi ichtyosaure et sa sensualité cosmique. Ici la violence se déchaîne, les instincts se libèrent les pulsions les plus extrêmes s’affrontent jusqu'à la perversité.

 

On ne peut être animal tout à fait, comme on ne peut plus être humain quand on a fait le saut dans l’humanimalité. Si cela est possible : à quel prix ! Ceci me semble être la pensée de l’auteur, mais il serait risqué de l’affirmer, l’auteur est l’explorateur qui dit : « - Explorez avec moi, et voyez par vous-même ensuite, l’expérience pour chacun ne peut donner les même fruits même si chaque être mûrit aux branches d’un même arbre. »

 

 Sans doute l’auteur cherche t-il en habile faiseur philosophe, de quoi piquer la bête qui sommeille dans ses supposés lecteurs ou lectrices. La Bête est belle mais condamnée sous sa plume. Malédiction de la nature de l’homme qui refuse de voir le vrai visage de la bête. Trop « humaine » peut-être…  pour apparaître belle à des regards déformés par un stéréotype sociétaire. Alors, ce que l’auteur dénonce est-ce l’intolérance de l’ensemble d’une société castratrice ?

 

« De tous les corps de la nature, celui qui agit le plus sur l’homme est l’homme. » écrit Mesmer dans son traité sur le magnétisme animal. Robert Alexis en fait dans « Les Figures » une démonstration hallucinante. Démiurge du verbe, il fait de l’inconfort un plaisir exquis distillé savamment, démultipliant délices et cruautés de la sexualité débridée de notre nature humaine !

Nouveau Vésale, il dissèque le corps, l’écorche jusqu'à l’âme. Il damne ses lecteurs, ses lectrices sans pitié aucune. Son phrasé hautain, méthodique fait froid dans le dos. Robert Alexis veut-il nous libérer, ou nous faire perdre la tête ? Nous aliéner à son talent de narrateur c’est certain. Soyons donc fous ou folles le temps de 211 pages. Il serait insensé de manquer cette exploration hors du commun. On en revient… mais attention… chaque page tournée est hantée de monstruosités. Les nôtres ?

 

« Les Figures » : un pittoresque et stupéfiant parcours !

Hécate 25 août 2008.



Décidément Robert Alexis ne cesse d’explorer la nature humaine aux confins de tous les possibles.

 

Après « Flowerbone » où il nous interrogeait sur les pérégrinations mystérieuses de la vie, ses recommencements, ses transpositions, les conditionnements d’un perpétuel réapprentissage liés aux lois de l’univers, voici qu’il nous transporte au siècle des lumières.

 

La médecine s’inquiète : qu’est-ce donc que la folie ? Où s’arrête la normalité ? Où commence la démence ? L’homme peut-il se libérer du cercle vicieux de ses pulsions ? Tel est le propos de Robert Alexis qui mène son roman comme un rituel sans pitié. C’est une bien étrange histoire que découvrira sa narratrice, attirée par un secret familial qui ne lui sera révélé qu’après s’être soumise aux plus insoutenables expériences sexuelles ordonnées par un inquiétant aliéniste.

 

L’auteur cisèle avec un style d’une beauté formelle indéniable, toutes les horreurs les plus cruelles, les dépravations les plus savantes. Quatre lectures proposées, quatre tableaux des plus surprenants. Il ne faut rien révéler des enchaînements machiavéliques du récit. L’initiation est totale…

 

Robert Alexis dépeint progressivement le sombre chaos de toutes les aberrations de la folie en un immense hymne à la Nature. Il déploie un splendide lyrisme pour décrire cet écrin parfait pour ses « Figures » qu’il nous exhibe sans pudeur ; un glissement vers le monde animal s’accomplit. Personne encore n’a eu une approche aussi hallucinante de la fameuse Bête du Gévaudan !...

 

L’auteur semble remettre en cause les notions du bien, du mal. Les rapports de l’homme et de la femme quels sont-ils exactement ?

 

Subtilement, il nargue ses lecteurs, ses lectrices sans jamais sombrer dans la vulgarité, facilité qu’il écarte, n’usant que d’un phrasé méthodique qui décuple la puissance extraordinaire de ses pernicieuses descriptions de la dépravation qui deviennent saisissantes, fascinantes. Quel étrange regard sur la féminité ! La femme véritable, où est-elle ?

 

Etranges mœurs des hommes, étranges mœurs de certaines espèces animales… Il n’est que de réfléchir à celle de la hyène femelle : c’est elle qui accule le mâle, décide de l’accouplement, elle qui se fâche et attaque si le mâle se dérobe à sa volonté sexuelle. L’animalité abordée par Robert Alexis n’est certainement pas un prétexte pittoresque. Ce serait réducteur.

 

Comprendre le mécanisme du comportement passerait-il par la nécessité d’une descente dans la nature première, celle des instincts primordiaux oubliés ? Le germe de la folie ne s’est développé que sur le terreau le plus propice à son éclosion, l’atavisme de la peur.

 Quand les grands fléaux dévastateurs disparurent, entre autre celui de la terrible peste, la folie fit son apparition.

 

 « Les figures » bien plus qu’une lecture ! Une sidérante exploration ! Une initiation…

 

Hécate 7 septembre 2008.



 

 

« L’éloge de la folie. »

 

Robert Alexis nous embarque cette fois sur la « Nef des fous », la dérive est totale puisque nous abordons les asiles du tumulte du dix huitième siècle ces fiefs de la démence où nous suivrons sa narratrice sur la piste la plus mystérieuse qui soit où la conduit sa curiosité.  Qu’est devenu son oncle Etienne de Creyst l’aliéniste ?

Comme l’écrivait d’Holbach : « pour chercher la vérité, il faut qu’elle nous intéresse. » Etienne de Creyst a découvert que « ce n’est qu’à l’aide de l’expérience que nous pouvons découvrir la vérité » (d’Holbach). Laisser les préjugés : la jeune femme n’hésite guère ! Pour parvenir jusqu'à cet homme, elle devra affronter tous les interdits, surmonter ses répulsions, se confronter aux pulsions les plus extrêmes, se mêler aux lunatiques, affronter les aliénistes, plonger au cœur du labyrinthe de la démence et des dérèglements. Tumultes en tous genres, perversions les plus extrêmes.

« Tout homme est devenu fou par sa propre sagesse », Erasme citait l’ecclésiaste. La sagesse ici explose en jouissances démultipliées. Heurts violents des âmes, des corps.

Si la philosophie est sous-jacente, le talent de l’auteur est tel qu’il possède ses lecteurs avec une audace étourdissante. Les sombres humeurs de la folie n’ont jamais été aussi fascinantes. Les plus abjectes laideurs atteignent ce que Rosenkranz n’hésitait pas à nommer «  l’esthétisme du laid ». La beauté monstrueuse… l’âme descend dans les abîmes, tente de survivre dans un monde qui la rejette. Que reste-t-il aux lunatiques, sinon se glisser dans cet espace sublunaire réfuté par la philosophie platonicienne. L’âme est sans limitation… Fantasmatique et réalité fusionnent en une angoisse sans cesse culminante… les perceptions se modifient. La magie de la nature, du monde animal, végétal est ici grandiose et coupe le souffle !

211 pages de lecture… le lecteur en sort étourdi, hanté, obsédé par cette quête identitaire. Qui sommes-nous ? On peut se poser la question…

Hécate 26 octobre 2008.


 lien de la revue "Le Matricule des anges"
 Entretient avec Robert Alexis
http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=59495

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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 10:12


En amoureux de la foule il ne conçoit la solitude que dans la rue, parmi la multitude. Flâneur, bohémien, non seulement dans le sens où on l’entend au 19° siècle, mais par ce regard acéré et sans pitié qu’il jette sur l’autre, reflet de ce lui-même qu’il fustige et condamne au travail sans relâche. Il connaît ce côté nonchalant de sa personnalité pareil au manouche errant, au chiffonnier, qu’il compare au poète.

 

          « … On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête,

                 Buttant, et se cognant aux murs comme un poète,

                 Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets,

                 Epanche tout son cœur en glorieux projets… »

                                      Le Vin des Chiffonniers (Les Fleurs du Mal)

 

«  Glorifier le vagabondage, écrit-il dans «Mon cœur mis à nu », est ce qu’on peut appeler le Bohémianisme, culte de la sensation multipliée, s’exprimant par la musique. »

 

         Bohémien des villes et non de la nature, car la ville est sa nourriture. Les vitrines permettent à son regard de voler au passage quelque objet utile seulement au luxe, à la volupté d’un instant, jouissance comparable à celle du crime. Son butin, c’est la rime. Son renoncement forcé à la possession des éléments de la vie bourgeoise, ses vêtements déchirés, son absence d’appartement fixe, forcent sa mémoire à se concentrer un maximum sur ce qu’il ne possédera plus que dans le souvenir, ou temporairement.

         Il faut admettre qu’entre 1842 et 1858, on ne compte pas moins de 14 adresses de Baudelaire à Paris. En mars 1855, il changera six fois d’hôtel. Chaque lit est un «lit hasardeux ».

Poursuivi par les créanciers, il a parfois deux domiciles, mais il passe la nuit ailleurs, fort souvent, les jours de loyer.

         Si pour Jeanne Duval, il dévalise un moment les brocanteurs pour meubler les combles de l’hôtel Pimodan qu’il occupe quai d’Anjou, il ne fait qu’agir comme un bohémien qui dilapide son or pour les beaux yeux d’une femme. En deux ans Baudelaire dilapide la moitié de son héritage. Il va jusqu’à installer Jeanne à quelques mètres, rue de la Femme – Sans – Tête.

         Son attachement farouche et sacralisé pour sa mère, son attrait pour les femmes de bas étage, ses fantasmes de voyage, ses goûts pour le théâtre misérabiliste, permettent cette comparaison qui semble osée.

         Il rencontre Jeanne Duval dans un théâtre. Elle est actrice, plutôt figurante. Enfant, son rêve fut d’être comédien. Il aura d’ailleurs quelques toquades pour d’autres actrices, entre autre Marie Daubrin qui lui préférera Banville.

         Jeanne, la mulâtresse boit. Il prend avec elle l’habitude de l’alcool. L’hommage qu’il rend au vin dans ses poèmes et qu’on juge encore maintenant, d’un réalisme outrancier et comme étant seulement une partie mineure dans son œuvre, reflète pourtant ce qui est la vie de leur ménage : beuveries, empoignades, les coups succèdent aux injures, parfois jusqu’au sang.

         Les divans profonds sont les coussins de n’importe laquelle des roulottes de saltimbanques ; c’est aussi le galetas des masures de Paris où les ouvriers s’endorment après s’être enivrés. Ils n’ont que le vin de possible.

         « Charles Baudelaire, un poète lyrique à l’apogée du capitalisme » écrit Benjamin Walter. Quelque part la poésie de Baudelaire prend fait et cause pour les opprimés, elle adopte leurs illusions.

                   « Pour avoir des souliers, elle a vendu son âme ;

                     Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,

                     Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,

                     Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur. »

(Poésie de jeunesse : Je n’ai pas pour maîtresse une lionne illustre.)

 

         Le dandysme pour Baudelaire s’il est une pose, un masque, est avant tout un acte héroïque, le dernier éclat dans la décadence. Le bohémien est un prince fier de venir d’Egypte et de l’Inde et qui avec ses règles et sa dignité dégage une noblesse renforcée d’un mépris mêlé d’indifférence et d’arrogance, comparable à celle du dandy.

         Baudelaire avec ses cheveux noirs très brillants, ses cravates rouges intrigue Paris, et on murmure qu’il revient des Indes. Il ne dément rien.

         Mais dans le dandysme Baudelaire est déçu. Il n’avait pas le don de plaire (élément indispensable au dandy) il choisit donc de déplaire. Le bohémien ne plaît guère sinon par sa singularité, son particularisme exotique aux yeux de la société. Flâneur, chiffonnier, même apache, voilà des rôles tous héroïques et séduisants pour le poète mythomane.

         Lui, qui en sa courte période faste, répandait du parfum sur les tapis de Perse de son salon, en 1853,  écrit à sa mère : « Je sais si bien ajuster deux chemises sous un pantalon et un habit déchiré que le vent traverse ; je sais si adroitement adapter des semelles de paille où même de papier dans des souliers troués que je ne sens presque que les douleurs morales. »

        

Baudelaire a donc eu fort peu de matériel traditionnel, ni bibliothèque, guère d’appartement. Il renonce souvent. Théodore de Banville remarque «que même lorsqu’il habite à l’hôtel Pimodan, il n’y a ni lexique, ni table pour écrire, pas plus de buffets, de salle à manger, rien qui rappelât le décor à compartiments des appartements bourgeois. » Sa chambre tapissée de rouge et noir n’a qu‘une fenêtre, dont la majeure partie est en verre dépoli, il ne voit que le ciel. Le plus étrange est le lit en chêne brun, sans pieds, une sorte de cercueil sculpté.

 

         Il ressent la modernité de son époque comme une fatalité. Le destin est fatalité pour le bohémien et la tribu «prophétique aux prunelles ardentes ».

« Les hommes vont à pieds sous leurs armes luisantes

                     Le long des chariots où les leurs sont blottis,

                     Promenant sur le ciel des yeux appesantis

                     Par le morne regret des chimères absentes… »

                                               Bohémiens en voyage. (Les Fleurs du Mal)

 

         Pour lui, les grands voyages sont du passé. Passé le long voyage sur le «Paquebot des Mers du Sud » et le séjour à l’Ile Maurice puis à l’Ile Bourbon.

Un châtiment corporel infligé à une femme de couleur l’obsède. Huit mois de sa vingtième année, où il sombre dans une torpeur nostalgique qui lui vaudra d’être rapatrié…

 

         Il n’y a plus guère en lui que le goût de l’errance, une référence à un passé de voyageur qu’il veut glorieux, comme tout bohémien qui se respecte.

         Son goût du voyage, n’est qu’un goût de spleen. Il répugne à s’exiler, se réfugie dans la contemplation, s’exclut de la quiétude, devient visionnaire.

 

         Baudelaire désormais voyage dans l’image, les tableaux, les estampes de son enfance, visite inlassablement le Louvre. Son monde est un monde élargi plus réel que le réel. Il est devenu rôdeur.

         Dans le «Goût du Néant », il emprunte aux nomades quelques images.

 

                                « … Couche - toi sans pudeur,

                      Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.

 

                      Résigne-toi, mon cœur ; dors ton sommeil de brute.

 

                      Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,

                      L’amour n’a plus de goût, non plus que la dispute ;

                     Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte ! »

                                                                        ( Les Fleurs du Mal)

 

         Quand il rôde la nuit, il retrouve Privat d’Anglemont connu à Paris bien plus chez les chiffonniers et les clochards que dans la littérature. Il connaît tout des tire-laines, des fabricants de boites d’allumettes, des laveuses et des nourrisseurs en chambre, qui dans le 12° arrondissement élèvent même des chèvres dans les étages.

Ce créole est le pourvoyeur des plaisirs de Baudelaire. Michel Manoll écrit : « ils se rencontraient à la face de Notre – Dame – la – Lune. »

 

Fasciné par les chats, dans le «Spleen de Paris » il affirme cependant : « Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur, le chien saltimbanque, le chien dont l’instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l’histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences. »

 

         En Belgique lorsqu’il ira de conférence en conférence, ce sera comme se servir d’un violon, d’une guitare. Ses vers, sa prose, ses mots ont en eux la beauté âpre et violente de l’art inné du bohémien en proie au spleen.

Si la Belgique ne lui plaît point, c’est qu’elle manque de rues pavées, de boutiques, de passages où flâner. Le bohémien, s’il voyage se nourrit de la cité où vivent les hommes, les travailleurs, les riches, les oisifs.

         Mais il est déçu, ses conférences sur Delacroix, Gautier et sur les paradis artificiels sont un échec.

         Le dandy glorieux est amer. Nul oubli, ni le haschich ni le laudanum, ni la belladone ou la quinine ne soulagent ses violentes douleurs physiques et morales.

Le dandy bohémien mourra comme un saltimbanque.

 

« Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie, ni lamentable, il n’implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite…

Et m’en retournant, obsédé par cette vision, je cherchai à analyser ma soudaine douleur, et je me dis : Je viens de voir l’image du vieil homme de lettres qui a survécu à la génération dont il fût le brillant amuseur ; du vieux poëte sans amis, sans famille, sans enfants, dégradé par sa misère et l’ingratitude publique, et dans la baraque de qui le monde oublieux ne veut plus entrer ! »   

Le Vieux Saltimbanque (Le Spleen de Paris)

 

         Au printemps 1866, Baudelaire devient muet et à moitié paralysé. Il fait encore quelques promenades en voiture avec sa mère aux environs de Bruxelles.

         Il meurt le 31 août 1867, après une longue agonie. Il est 11 heures du matin. Treize mois de mutisme et de paralysie totale. Il a 46 ans.

         A l’étage sur le piano de la clinique du quartier de Chaillot, quelqu’un joue les premières mesures de Tannhauser pour son entrée dans les «rayonnantes ténèbres ».

 

Hécate.

 

Bibliographie :

 

Les Fleurs du Mal / Le Spleen de Paris / Les Paradis Artificiels   Journaux Intimes / Fusées / Mon cœur mis à nu

L’Art Romantique / Curiosités esthétiques.

 

Michel Manoll : La vie passionnée de Charles Baudelaire

Jean-Paul Sartre : Baudelaire

Walter Benjamin : Charles Baudelaire

Pierre Emmanuel : Baudelaire

Collection Génies et Réalités : Baudelaire

Pierre Jean Jouve : Tombeau de Baudelaire

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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 09:09

Lautréamont

 

L’ombre d’une vie

 

 

«  Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l’hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon mouillé de ses pleurs. La lune  a dégagé son disque de la masse des nuages et caresse avec ses pâles rayons cette douce figure d’adolescent. Ses traits expriment l’énergie la plus virile, en même temps que la grâce d’une vierge céleste… »

 

Deuxième chant de Maldoror, première rencontre avec Isidore Ducasse, ou plutôt son double qui se fit son porte-parole paroxystique et glacé sous le pseudonyme de Lautréamont. Grand fut l’attrait de ces phrases dites par une voix inconnue et reçue par le truchement des ondes radiophoniques, un soir où je ne m’attendais qu’à l’ennui nostalgique habituel d’une fin de journée ordinaire.

 

Aujourd’hui, une fois encore, je pars à la recherche de cet esprit disparu du monde des hommes, en quête de ce qu’il fût, ou de ce qu’il put être avant de se fondre dans l‘immensité ténébreuse de Maldoror.

 

         Il naît le 4 avril 1846 à Montevideo d’un père secrétaire au Consulat de France et d’une mère qui meurt jeune, noyée, suicidée ? Le doute subsiste encore.

         La plage devient son royaume imaginaire. Tel l’enfant du « Voyage » de Baudelaire avec ses cartes et ses estampes, il se représente à lui-même, la tête sur les genoux, oublieux pour un moment, de la longue minceur de sa silhouette de héron, légèrement voûtée, de sa voix un peu trop aiguë, aussi étrange que celle du poète Shelley, l’homme aux yeux violets. 

 

Bizarrement, il ne se passe guère de jour où la vision du crâne noirci de ce poète disparu, que Byron tente de retirer du feu au bord d’une plage, ne le hante. Byron et son pied bot et sa vertigineuse envie de décapiter le cadavre pour en conserver la relique, Byron maudissant le ciel, crachant dans les cendres et retirant enfin des flammes le cœur intact de Shelley. Ce récit de Trelawny l’obsède, comme l’obsèdent toutes sortes de visions et de créatures, où il lui semble reconnaître un double de lui-même.

         Esclave de cette précocité qui ronge sa jeunesse, il s’abîme dans des lectures et des rêveries qui le tiennent éveillé même au bord du sommeil qu’il refuse, et le jettent hors du réel.

         Il porte des costumes blancs, des lavallières de velours, des cravates de soie qu’il fait venir de Paris, comme ses livres.

         Son indépendance financière lui confère un certain prestige, même si la fascination inquiétante qu’il éprouve pour tous les excès de violence surprend. Ceux-ci ne manquent pas à ce jeune homme dont la réserve est évidente et qui ne se lie qu’avec prudence. Il lui semble avoir grandi sans la capacité d’aimer. Tout n’existe que par sa capacité de conscience.

         A l’insu de son père, il se rend souvent à cheval place de l’Indépendance où il reste assis à la terrasse du Sol El Negro à boire café après café, se montrant capable d’inaction à un degré sidérant. Il arrive que sa timidité naturelle se dissipe au cours de conversations avec des étrangers descendus à l’hôtel, toujours des hommes.

         Mais de plus en plus souvent, il est surpris aux alentours d’un abattoir à la lisière d’un quartier pauvre. Il observe tout le carnage caractéristique d’un tel endroit dans un état d’intensité proche de la transe, sans pour cela marquer d’émotion outre mesure.

 

Il ressent de plus en plus la tyrannie de ce milieu du XIXe siècle dans lequel il étouffe. Son père inabordable,  insomniaque, laisse toute la nuit les lumières allumées dans toute la demeure.

         Le souvenir de sa mère le hante. Imagine-t-il, ou se souvient-il vraiment de cette jeune femme, Célestine-Jacquette, défaisant sa longue chevelure blonde à son chevet d’enfant ?

Partageant avec lui son amour des livres illustrés, lui racontant des histoires dont la fiction les emporte l’un et l’autre plus étroitement que le plus intense amour. Lorsqu’elle s’attarde un peu trop, on vient frapper à la porte de la chambre. Il voit alors d’un coup ses traits vieillir lorsqu’elle se relève en renouant sa chevelure avant de le quitter. Elle n’est plus la complice à la recherche d’îles perdues, mais une femme soumise au devoir conjugal.

         En réalité, il est orphelin de bonne heure ; sa mère serait morte un an et huit mois après sa naissance et enterrée sous son seul prénom dans une fosse commune (suicide oblige, si suicide il y eut).

 

         Montevideo est pleine de parfums, de sons, d’odeurs, de musiques, de chants, de guitares, de cadences des mambas, de primitivisme nègre. L’air est chargé de fantasmes. Dans cette ambiance de carnaval, d’explosions de feux d’artifice, avec le rayon rouge du phare balayant la mer nocturne, il s’exalte, se prend pour un chaman, s’imagine être capable de se transformer en loup-garou, de monter au ciel ou descendre aux enfers réclamer l’âme de sa mère.

 

         C’est un passage de frontières, un échange d’identité, un monde de transgressions. Maldoror naîtra de toutes ces violences voluptueuses et charnelles, des brutalités de la rue, de la splendeur des couchers de soleil, de l’odeur du sang, de la sueur, de l’ivresse de ces fêtes où il se masque et devient un autre, mêlé à une foule qui ne se connaît plus.

         Toutes ses lectures tourbillonnent dans son cerveau en fièvre et deviennent un monstrueux maelström de mots, d’images, de personnages. Il se surprend à boiter comme Byron et il en rit. Sa solitude est incommensurable. Mickiewicz, Baudelaire, Poe enflamment son imagination. Parallèlement pour donner le change, il lit Lamartine, Hugo, Musset. Mais c’est au roman mondain et historique d’Eugène Sue paru en 1837 qu’il empruntera le nom sous lequel il publiera les sombres Chants de Maldoror, modifiant quelque peu le nom du héros Byronien, Latréaumont.

         Le premier chant de Maldoror est à paraître dans une anthologie publiée à Bordeaux et intitulée  « Parfums de l’âme ».

 

Il aime les œuvres pour piano de Liszt et de Chopin. L’ « Œdipe-Roi » de

Sophocle le fascine. Il rôde et discute de la représentation de la pièce donnée par une troupe amateur. On retient la cruauté de ses propos dans le regret qu’il exprime de ne pas avoir vu Jocaste se pendre sur la scène.

 

Sa faculté d’imagination ne connaît aucune trêve. Travaillé entre l’austérité contrainte imposée par ses précepteurs au service de l’autorité d’un père louvoyant entre une vie publique respectable et les déchaînements d’une sexualité de taureau, il fuit, rêve de s’enfuir et se mêle à la pègre, aux marginaux durant toutes les festivités du carnaval. Promis à l’Europe, il s’enfonce dans ce qui le fascine : l’attrait des sens, la trivialité, l’ambiguïté, la confusion des sexes, l’observation froide d’autrui. Est-il homme ou femme ?

         Un soir, il retrouve dans un logis rudimentaire jonché de fleurs, narcisses, iris bleus, œillets rouges et lys immaculés, l’adversaire qui l’avait attaqué par un stylet lancé contre lui au détour d’une rue. Un baldaquin rustique occupe la moitié de la chambre. Une voix s’élève, perfore sa mémoire, le traque. Hallucination ?

         « - On m’appelle la Reine de Cœur, lui dit l’étrange personnage. J’ai des cœurs rouges tatoués dans le dos, vous ne pouvez pas les voir. Je suis partout à la fois… J’ai travaillé un temps dans un cirque ambulant, puis j’ai suivi l’armée argentine jusqu’au Paraguay. Je connais les vertus hallucinatoires du peyotl et l’opium des marins français… Il va y avoir des victimes ce soir, on va jouer du couteau, des mains vont être brûlées par les explosifs. Il y a ceux dont le corps ne tient pas les drogues et que j’ai tous marqués.  J’ai sélectionné du regard ceux qui mourront. »

         L’individu porte un masque d’arlequin couleur cerise, sa taille est fine comme celle d’un écolier, mais ses épaules et son torse sont très développés à la différence des jambes maigrichonnes et des doigts effilés. Il boit tequila sur tequila. Isidore Ducasse pense qu’il va se faire éclater l’esprit. Il regarde le collant jaune qui moule étroitement les contours les plus indécents de sa personne. La posture est provocante. Une invitation pas même déguisée, elle ! Quand il se lève prêt à partir, fuyant la mort, l’amour, la transe, la créature lui dit encore : « - Vous n’oublierez pas la Reine de Cœur. » La voix est aiguë, stridente.

         Rentré chez lui, il ôte de son visage le masque de pierrot blanc, maculé, déchiré ; un masque de mort qui avait incarné ce soir-là le pouvoir de sa frénésie. Il sait qu’il va lui falloir quitter impérativement Montevideo, échapper à la Reine de Cœur, à cet intérêt obsessionnel qu’il lui porte. Il revoit le couteau menaçant à portée de main, la bouteille roulée au pied de la créature hybride.

La découverte que l’on peut être à la fois mâle et femelle porte son affolement à son extrême. Dans un état de demi – conscience, il croit voir dans le salon son père en sphinx noir dont le corps léonin se love sur le divan. Il croit aussi que la Reine de Cœur est en observation derrière une fenêtre.

         Les rares relations qu’il a parfois avec la servante Alma, ne calment jamais les exigences qui sont les siennes et dont il ignore tout. Elles le laissent constamment sur sa soif.

         La fureur agressive et la passivité somnolente dans Maldoror, sont à la fois combat et volonté de se libérer, tout en se vautrant dans toutes les situations extrêmes de la création. On parle de Dieu, du Bien, du Mal, de Satan, tous les éclairages sont possibles, de la bible au bestiaire, de la persécution érotique à l’enfance angélique. A la fois lucide et halluciné, il y a en lui quelque chose qui ne dort jamais, en proie à une obsession perpétuelle, à une fuite de soi, pour peut-être sublimer ou révéler ce qui est intéressant dans un être : le dépassement et le message à laisser derrière soi. Pour cela, détruire toute trace de réalisme le plus possible, afin de laisser le symbolisme foudroyer l’esprit du lecteur et le toucher là où il doit l’être, dans les replis les plus cachés de son cœur.

         Lautréamont est un thaumaturge, comme Isidore rêva souvent de l’être.

A Montevideo, il eut en mains les écrits d’Eliphas Levi. A Paris, l’hypnotisme, l’occultisme sont en vogue. Le lien est vite fait. Ducasse est mort enterré en Amérique du Sud ! Les gens bizarres qui sont attirés par le Comte de Lautréamont, ne savent rien de ses écrits.

         Des émeutes éclatent. Des troubles déstabilisent la ville. L’empereur aurait vieilli de vingt ans en trois mois. Lautréamont s’enferme à double tour des jours durant en proie à de violentes migraines, sa santé toujours délicate s’use de plus en plus. Ses fenêtres mansardées allumées toutes les nuits attisent les curieux. Il se nourrit de pain et de vin. Avec ses livres, ce sont là ses dépenses ordinaires.

         Une fièvre contractée à Montevideo le tient parfois étendu le jour, il ne dort pas, habité de visions. Il fait usage de drogues pour calmer la tension de ses nerfs. Il redoute la destruction de ses écrits et l’achèvement des Chants. Ducasse, Lautréamont et Maldoror, ce trio, s’il cesse d’être, dans quel autre personnage entrer ?

         La nuit, il reçoit de plus en plus de visiteurs, informateurs, voleurs, révolutionnaires, occultistes. Il est de mèche avec les gens qui se sont dépris du tissu social. Il ne sait pas toujours les noms de ceux qui viennent chez lui. Il y a bien le dernier prince de la famille des Médicis, dont le père entretient un sérail de jeunes garçons…

         Paris est devenu une ville d’insomniaques. Les lumières demeurent allumées toute la nuit aux Tuileries. L’impératrice est vêtue de noir et porte un diadème de jais.

         Il va à présent détruire tout ce qui n’est pas nécessaire à son existence. Lettres, livres, vêtements, de rares effets ayant appartenus à sa mère et qu’il avait emporté en quittant Montevideo. Il joue du piano presque toutes les nuits malgré les plaintes de la concierge qui ne le voit pratiquement plus.

         En avril 1870 paraît le premier fascicule des Poésies. Il annonce qu’il a renié son passé et désire corriger les plus beaux poèmes de la littérature dans le sens de l’espoir. Peut-être a-t-il touché le fond froid du désespoir. L’auteur de Maldoror peut-il croire qu’il suffit de « remplacer le désespoir par l’espoir, la méchanceté par le bien ».

        

         Que furent les derniers instants d’Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont ? Disparu dans l’incognito de la mort 7 rue du faubourg Mont-Martre, le jeudi 24 novembre 1870, il est inhumé le lendemain au cimetière du Nord.

         Aujourd’hui, il est impossible de trouver sa tombe. Après avoir été transférée dans la 49e Division, celle-ci sera désaffectée à des fins immobilières. Les dépouilles des concessions temporaires furent versées à l’ossuaire de Pantin.

 

         « Quand la nuit obscurcit le cours des heures, quel est celui qui n’a pas combattu contre l’influence du sommeil, dans sa couche mouillée d’une glaciale sueur ? Ce lit, attirant contre son sein les facultés mourantes, n’est qu’un tombeau composé de planches de sapin équarri. La volonté se retire insensiblement, comme en présence d’une force invisible. Une poix visqueuse épaissit le cristallin des yeux. Les paupières se recherchent comme deux amis. Le corps n’est plus qu’un cadavre qui respire. Enfin, quatre énormes pieux clouent sur le matelas la totalité des membres. Et remarquez, je vous prie, qu’en somme les draps ne sont que des linceuls. Voici la cassolette où brûle l’encens des religions. L’éternité mugit, ainsi qu’une mer lointaine, et s’approche à grands pas. L’appartement a disparu : Prosternez-vous, humains, dans la chapelle ardente. »  (Chant cinquième).

 

Hécate.

 

 

Bibliographie :

 

*                « Lautréamont et Sade » de Maurice Blanchot. « Les Editions de Minuit »

 

*                « Œuvres complètes » : « Les Chants de Maldoror », « Poésies », « Lettres » d’Isidore Ducasse.  Edition « José Corti »

 

*                « Invention d’Isidore Ducasse » de Jeremy Reed.  Edition « La différence »

 

 

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