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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 13:02

poupés duo

 

Les Poupées

 

Frederic Prokosch

(1908 - 1989)

 

 

Je les ai trouvées gisant sur le rivage,

Formes tendres, des lèvres perlées et des yeux en amande :

Nuit après nuit à mes côtés leurs mains implorent

Des grâces attendrissantes.

 

Elles s’insinuent dans ma nuit secrète

Avec leurs bras pâles et terrifiants

Et offrent avec un plaisir sombre

Leurs charmes subtils et suicidaires.

 

Doucement elles me susurrent

Des folies à moitié exprimées,

Et quand je rêve à la mort je trouve

De petites larmes de verre sur mon lit.

 

Ce sont les enfants du désir,

Elles vivent de peur, elles sont mes pensées

Cachées aux yeux de feu,

Elles sont les furies de mon sommeil.

 

 

Poème extrait du recueil " Ulysse brûlé par le soleil ". Editions Orphée La Différence.

 

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7 août 2013 3 07 /08 /août /2013 12:09

danse sacrale

 

 

La séduction

 

 

Elle a des paupières d'oiseaux

Comme des rideaux sur ses secrets

Elle joue de ses précieux oripeaux

Elle invente pour sa beauté, un ballet.

 

Elle passe ne sachant qui la regarde

Soucieuse du jour sur son visage,

Des yeux qui la guettent ou s'attardent

Dans la rue qui est son paysage.

 

Elle erre, peut-être femme, peut-être différente,

Voilée d'ombre ou déshabillée de lumière,

Mains comme des serres d'oiseaux de volière

Ame encagée comme un sommeil qui s'absente.

 

Soleil, pour aveugler toutes les lampes

Lune, pour satisfaire les plus obscurs désirs,

Elle joue avec tous les fantasmes, tous les délires

Chatoyante et sucrée comme la grappe de la hampe.

 

Bouche qui absorbe la moiteur de la nuit

Bras qui enlacent comme on soupire

Cherchant la douce mort d'amour à vivre,

Séduction éternelle, chère tentation qui s'enfuit...

  

  

                                                                                                           Hécate. 

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 20:56

youngdylan

 

 

 

 

  Dylan Thomas

(1914 - 1953)

 

 

 

 

 

"Dylan Thomas était un clown merveilleux et un merveilleux poète."

(Lawrence Durrel)

 

 

 

 

 

 

 

 

Moi, le premier né

je suis le fantôme de cet

ami anonyme, sans prénom

qui écrit les mots que j'écris

dans une chambre tranquille,

dans une maison imbibée d'envoûtements.

 

Je suis le fantôme de cette maison

remplie des langues et des yeux

d'un fantôme sans tête

que je crains pour toujours

jusqu'à la fin anonyme.

 

          "J'ai voulu écrire de la poésie parce que j'étais tombé amoureux des mots. Les premiers poèmes que j'ai connus, avant de savoir lire, étaient des comptines, j'ai aimé leurs mots, leurs mots seuls. Ce que les mots représentaient, voulaient dire ou symbolisaient, n'avait qu'une importance secondaire. Ce qui importait c'était leur son, tel que je l'entendais la première fois sur les lèvres de lointains adultes incompréhensibles...C'était le temps de l'innocence, les mots me sautaient à la figure...Les mots jaillissaient à la source, humides de la rosée de l'Eden, en giclant dans l'air...J'aimais la forme et l'ombre et la taille des mots qui fredonnaient, pianotaient, dansaient la gigue, galopaient."

 

          On dit que l'œuvre de Dylan Thomas est l'une des aventures les plus singulières de la poésie anglaise, l'une des plus fertiles interrogations de l'aventure singulière d'exister.

  dylan house swansea maison natale

          Né le 27 octobre 1914, il remplace le premier enfant mort et son père le prénomme Dylan comme le Prince des Ténèbres du Mabinogion. C'est un enfant précoce fasciné par les mots et les images poétiques. C'est toute l'ivresse de son monde intérieur que cet Orphée gallois ne cessera de nous offrir !

 

          "Le monde que Dylan Thomas reconstruit pour nous, c'est celui que nous avons déserté peu après notre entrée dans l'humaine condition...Il nous parle de ce vertige fondamental que nous portons tous au fond de nous : c'est le manque de l'Autre qui nous constitue." (Alain Suied)

 

Qui

Es-tu, toi

Qui nais dans

La chambre à côté

Si fort près de la mienne

Que je peux entendre la matrice

S'ouvrir et l'obscur soudain courir

Au-dessus du fantôme et de l'enfant délivré

Derrière le mur aussi fin qu'un os de roitelet ?...

 

          Il n'a pas encore seize ans et il écrit des poèmes qu'il récite en se promenant quand vient le crépuscule :

 

Mon âme est façonnée

sur des modes intra-charnels :

secrètes et passionnées

jaillissent mes pensées

du puits de furtives luxure

ivres des ruines de l'Enfer.

 

          "Si je regardais dans une vitrine l'image reflétée de la rue, je voyais un gamin coiffé d'une casquette écarlate avec de grosses galoches aux pieds déambuler au milieu de la chaussée et je me demandais qui c'était."

 

Lorsque, répandues au fond de la tombe,

mes cendres seront

poussière et muette provocation

d'étoile menaçante...

 

          "Je déclamais. Un jeune couple, bras dessus bras dessous apparut soudain entre les maisons , sortant d'une ruelle en arrière de la rue. Je cessai de déclamer et fredonnai un air en les croisant. Ils devaient ricaner stupidement tous deux, serrés l'un contre l'autre, abjects. Va donc, cheveux à l'artiste, loufoque, lope ! Je poussai un vigoureux coup de sifflet, cognai du pied dans une porte...

          Et voici Warmley, la maison de Dan où j'entends un grand tapage de musique. il était compositeur et aussi poète ; à l'âge de douze ans il avait écrit sept romans historiques et il jouait du piano et du violon...Il me montre ses livres et ses sept romans. Dans ces derniers il n'étaient question que de batailles, de sièges et de rois." Des œuvres de jeunesse, sans plus " précise-t-il. Il me permit de sortir son violon et de le faire miauler...

          Je lui lu tout un cahier de poèmes. Il écoutait d'un air grave, comme un gamin centenaire, la tête inclinée de côté et ses lunettes tremblotaient sur son nez tuméfié." Celui-ci s'appelle Perversion, annonçai-je..." ("Jeux de mains " extrait de Portrait de l'artiste en jeune chien.)

 

          "Toutes les biographies sont absurdes. Avec la mienne on pourrait faire rire un chat."

 

          Il a dix sept ans, il a quitté l'école et fait du journalisme, il correspond avec une jeune poétesse londonienne et se décrit ainsi :

 

" Taille : un mètre soixante-quinze. ( environ ).

Poids : quarante-cinq kilos.( environ ).

Cheveux : d'un brun de rat.

Yeux : grands, bruns et vert ( comme si l'un était brun et l'autre vert, les couleurs sont mêlées).

Signes particuliers : trois grains de beauté sur la joue droite, une cicatrice au bras, une autre à la cheville qu'on ne voit pas car je porte généralement des chaussettes.

Sexe : masculin, je pense.

Voix : de baryton, il me semble, mais elle monte parfois jusqu'au ténor et descend parfois vers la basse. Sauf dans les moments d'hilarité, je crois que je parle sans accent."

 

          Son ami, le poète Vernon Watkins dit qu'il est beau comme un ange avec un visage de chérubin ; Pamela Johnson dit : "Il était petit et très frêle. Sous son imperméable aux larges poches, dont l'une contenait une flasque de brandy et l'autre une masse informe de poèmes et d'histoires, il portait un col roulé gris et un pantalon qui paraissait trop grand pour lui. Il avait le corps d'un enfant de quatorze ans, une tête remarquablement grosse, mais couverte d'une toison d'or mat dont les mèches et les boucles se séparaient à partir d'une raie médiane."

 

Insouciant sous les pommiers en fleurs

Jadis, Je fus un enfant

Auprès de la maison joyeuse

Heureux car l'herbe était verte

Et la nuit recouvrait le vallon étoilé...

Ô temps, laisse-moi regrimper pour saluer toutes choses

Et recouvrer, glorieux, l'âge d'or de mon regard

Quand les charriots étaient carrosses

Et les pommeraies ville dont j'étais prince

Et que jadis, avant le commencement du temps,

Je gouvernais les arbres et les feuilles

Et suivais, dans les rivières de la clarté,

Le sillage des épis et des marguerites."

 

      cover en jeune chien    "J'étais un noctambule solitaire et un habitué des coins de rue. J'aimais errer après minuit dans la ville, sous la pluie, quand les rues étaient désertes et les lumières éteintes aux fenêtres, seul être vivant sur les rails luisants du tram dans la Grande-Rue morte et vide sous la lune, une tristesse gigantesque dans l'âme, longeant les chaussées humides près de la spectrale chapelle d' Eben - Ezer. Et jamais  je ne me sentais plus profondément intégré dans ce monde lointain et écrasant ou débordant d'amour, d'arrogance, de pitié et d'humilité, non seulement pour moi, mais pour les créatures de cette terre où mes tourments étaient sans fin et pour les astres impassibles des sphères célestes, Mars, Vénus, Brazell, Skully, les habitants de Chine, saint Thomas, les femmes hautaines et les femmes faciles, les soldats, les marlous, les agents de police, les rats soupçonneux des librairies d'occasion, les putains en guenilles qui vous donnaient la secousse contre le mur du musée pour une tasse de thé et les femmes distinguées et inabordables dont la silhouette se découpait sur sept pieds de haut dans les journaux de mode et qui défilaient lentement dans leurs fourreaux glacés parmi le verre, l'acier et le velours..." (extrait de Portrait de l'artiste en jeune chien)

 

En novembre 1936, il écrit à Caitlin MacNamara qui sera la femme de sa vie :

          "Je ne veux pas te voir un seul jour (même si je vendrais mes doigts de pieds pour te voir dès maintenant, mon amour, pour une seule minute et une seule petite grimace : un jour- c'est la durée de vie d'un moustique : je te veux pour la durée d'une vie d'un grand animal fou, un éléphant par exemple...) Je t'aime tant qu'il ne me sera jamais possible de te l'exprimer entièrement ; je suis effrayé d'avoir à te le révéler...Les refrains des chansons sont toujours exacts :"je t'aime corps et âme" ; et je suppose que "corps" signifie que je veux te toucher, être avec toi dans un lit, et je suppose que "âme" signifie que je peux t'entendre et te voir et t'aimer dans toute chose dans notre monde, que je sois endormi ou éveillé."

Dylan Thomas and Caitlin Thomas

          En juillet 1937 Dylan Thomas épouse Caitlin de la flamboyante famille des MacNamara, célèbre dans le comté de Clare en Irlande ; ils auront trois enfants. Mais l'angoisse du monde revient dans l'angoisse du couple merveilleusement non préparés , au niveau social et domestique aux rigueurs conjugales. Caitlin est danseuse, Dylan hante les pubs. Le chérubin est devenu le chien parmi les fées.

 

          "Dans un poème, la part magique est toujours accidentelle." Faire l'acteur, faire le bouffon... cover visions

 

Ni pour le prétentieux, ignorant

la lune qui fait rage, j'écris

sur ces pages mouillées d'embruns,

ni pour les morts trop hauts

avec leurs rossignols et leurs psaumes

mais pour les amants, leurs bras

enlaçant les chagrins du Temps

qui n'accordent ni attention, ni salaire

ni éloge à mon métier, mon art morose.

 

          Dylan Thomas ivre de mots, ivre de paradis réinventés, d'innocence à jamais perdue se regarde sous les masques dont il joue jusqu'à la dérision, lucide et titubant dans les flammes de l'éthylisme." - Pourquoi buvez-vous ? - Parce que c'est ce qu'on attend de moi."

Sa poésie puissante, fougueuse, lyrique et romantique murmure, chuchote, s'envole et crie !

 

O puisse la vérité de mon cœur

           Se chanter  Toujours

Sur cette colline où tournent les Saisons !

 

N'étant que des hommes, nous marchons dans les arbres

Effrayés, abandonnant nos syllabes à leur douceur

De peur d'éveiller les freux,

De peur d'arriver

sans bruit dans un monde d'ailes et de cris.

 

Enfants nous nous serions penchés

Pour attraper les freux endormis, sans briser de brindilles,

Et après une douce ascension,

Elevant nos têtes au-dessus des branches

Nous nous serions émerveillés des étoiles inaltérables.

  dylan thomas grave

          En 1953 au cours de sa tournée promotionnelle à New-York, il perd connaissance après avoir trop bu.  Dylan Thomas meurt au St Vincent Hôpital , d' une pneumonie et d'une faiblesse du foie. "Après 39 ans, c'est tout ce que j'ai fait.". Son corps rapatrié au Pays de Galles sera enterré à Laugharme qu'il aimait tant.

  

Hors des soupirs quelque chose naît

Qui n'est pas le chagrin, car je l'ai abattu

Avant l'agonie. L'esprit pousse

Oublie et pleure.

Autant ne pas aimer si on n'aime pas à la folie.

Cela reste vrai après une défaite perpétuelle.

 

          En 1954  Igor Stravinski qui avait rencontré le poète peu avant sa mort et désirait travailler avec lui sur un projet d' opéra,  pendant les mois qui suivirent sa disparition pensa à composer quelque chose à la mémoire de D. Thomas . Ce sera un chant funèbre pour ténor, quatre trombones et quatuor à cordes .

          " Aucun poème de lui ne pouvait mieux s'adapter à mon projet qu'un poème qu'il avait composé à la mémoire de son père."

(I. Stravinski )

 

N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit,

Le vieil âge devrait brûler et s'emporter à la chute du jour,

Rager, s'enrager contre la mort de la lumière.

 

Bien que les hommes sages à leur fin sachent que l'obscur

est mérité,

Parce que leurs paroles n'ont fourché nul éclair ils

N'entrent pas sans violence dans cette bonne nuit...

 

          Cette création de Stravinski In Memoriam Dylan Thomas d'une durée de 8 minutes a eu lieu le 20 septembre 1954 à Los Angeles. ce monde est mon partage cover

 

Et la mort n'aura pas d'empire.

Les morts nus ne feront plus qu'un

Avec l'homme dans le vent et la lune d'ouest.

Quand leurs os becquetés seront propres, à leur place

Ils auront des étoiles au coude et au pied.

 

Même si les amants se perdent, l'amour ne se perdra pas,

Et la mort n'aura pas d'empire.

 

          Dylan Thomas est dans les dédales de ses poèmes, ses paysages de mer et d'orties,  tous les élans ensorcelés de sa voix vibrante nous feront longtemps dériver sous un vent de feu où ses images ont rugi et fusé sur les pentes du ciel, et si Dylan Thomas est ce démon incarné en serpent phraseur et Dieu le violoneux de garde qui d'un coup d'archer fait descendre le pardon, alors...

 

Y eut-il un temps où les danseurs et leurs violons

Dans les cirques d'enfants pouvaient calmer

leurs chagrins ?...

Mieux vaut ne jamais savoir de quoi la vie est faite...

 

          Dylan Thomas publia des poèmes, récits, nouvelles et romans, des pièces radiophoniques et des scenarii. Il est désormais considéré comme un des plaffiche-The-Edge-of-Love-2008-2us grands poètes lyriques du XXème siècle.

          "The Edge of Love" de John Maybury est un film britannique de 2008 inspiré de la biographie de David.N.Thomas "Dylan : A farm, Two Mansions and a Bungalow. inside boathouse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                         
   Hécate
 
Pour compléter je propse un lien sur Maisons d'écrivains :
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23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 18:04

 

Elegie

Elégie

  

L’ombre du vent a mis des masques de feuillage

                                       Sur nos visages

L’ombre du rêve a mis le vol du baiser

                                       Sur nos lèvres.

 

                    Nos vies sont des pages arrachées

                    A la forêt des grands songes

                    Tombés à coup de hache,

                    Arbres trahis, qu’on assassine

                    Pour écrire la parole qui se tait.

 

Comme elles nous mentent nos vies !

Comme ils se moquent nos rêves !

 

L’ombre des oiseaux a mis des masques de plumes

                                       Sur nos visages

L’ombre de la mort a mis un voile de nuit

                                       Sur nos bouches

 

                    Elles connaissent le goût des péchés

                    La saveur des vices,

                    Ces fruits fascinants mûris

                    Sous des serres d’arc-en-ciel

                    Candélabres des orages sacrés.

 

L’ombre de leurs flammes a mis nos âmes en feu

                                       Dans nos yeux

L’ombre de la nuit a mis ses mains d’illusion

                                       Sur nos fronts.

 

                    Et la mort couchée dans le cercueil

                    De l’arbre tombé, de l’arbre coupé,

                    La mort a glissé dans le bois, le ver,

                    Le ver de terre, le ver du fruit ;

 

 

                   

Et les pages se sont rongées

Et le péché s’est allongé

Sous des manteaux de cuir

A l’abri des mains, des yeux

Derrière des murs de pierre.

 

Alors, la Mort a levé sa faux

Alors, la Mort a déchiré son linceul

Et le Péché s’est levé

Vêtu de fer, vêtu de cuir

 

Et l’ombre de la Mort a posé un masque de vie

                                       Sur nos visages

Et l’ombre de la vie a mis un masque de mensonge

                                       Sur notre silence.

 

Nos vies sont-elles moins vraies ?

              Nos sommeils sont-ils moins trompeurs ?

 

 

                                                                              Hécate

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 18:20

cover Misericordia

  

  

MISERICORDIA

de

Jack Wolf

 

          «Il y a de la Miséricorde dans la Souffrance partagée, dans le Désir et dans l'Amour.»

Foisonnant, bourré d'aventures et de rebondissements, un roman hors normes qui mêle philosophie des Lumières, leçons d'anatomie à la bougie et amours maudites. Portée par une écriture flamboyante, une œuvre d'une richesse exceptionnelle.

Tristan Hart a vingt ans quand il quitte sa campagne du Berkshire pour rejoindre Londres et les enseignements du légendaire Dr William Hunter.

Étudiant surdoué, depuis toujours obsédé par la relation entre le corps et l'âme, son ambition de chirurgien est de soulager la souffrance.

Mais dans le secret de son cabinet d'études, il est une chose que Tristan n'ose s'avouer : le plaisir extrême qu'il prend à infliger la douleur.

C'est alors qu'apparaît dans sa vie la belle Katherine Montague...

«Le Bien, le Mal. Le Vrai, le Faux. Ces Termes sont bien piètres et impropres. En vérité, il n'y a qu'un seul Choix à faire c'est celui d'agir ou de ne pas agir.»

                Traduit de l'anglais par George-Michel Sarotte.

 

          " Je me rappelai soudain comment, lorsque la Pièce avait été le Salon de ma Mère, au temps où elle était encore en vie, je m'y étais glissé sans bruit pour l'entendre chanter en Ladino sa propre Langue, et en Allemand, alors que, assise devant la Cheminée, elle brodait des Fleurs sur les Gilets de mon Père ou en peignait d'après nature devant la Fenêtre donnant au Sud.

 

Blanca sos, blanca vistes

Blanca la tu Figura.

Blanche tu es, blanche tu sembles, blanche est ta Forme

Blanche Chouette."

 

          Dans ce roman tout est fascinant, insolite et audacieux. L'écriture arbore des majuscules comme en usaient les écrivains anglais du XVIIIème siècle.

          Si les phrases semblent porter perruques, l'imagination s'y présente aussi échevelée que délirante tant les enchantements de la campagne anglaise fusionnent avec les légendes horrifiques et les ballades anciennes qui ont captivé Tristan Hart dès sa plus tendre enfance.

          Tristan a pour ami Nathaniel Revenscroft de deux ans son aîné auquel il voue une intense admiration. Tristan est mélancolique et renfermé, il a des yeux noirs, un teint basané. Nathaniel est déluré et exubérant, il a des yeux verts et des cheveux blonds, les plus beaux et les plus fins que Tristan ait jamais vus et dont chaque mèche est aussi douce au toucher que du duvet...

 

          L'un est le fils d'un châtelain taciturne, l'autre a pour père un pasteur qui entend bien que ce fils suive la même vocation que lui.

 

          Faute de n'avoir la liberté de marcher sur le gazon semé de fleurs, d'écouter le cri des buses et sentir le vent violent dans ses oreilles, séparé de son ami pour un larcin qu'ils ont commis dans le verger, Tristan qui a beaucoup pleuré trouve sa consolation dans l'étude des philosophes et se met à rêver du jour où loin d'être un simple chirurgien il deviendra un géant de la physiologie.

 

          " L'Electuaire de la Raison possédait un goût délicieux et se révélait plus efficace  que le Calomel ou la Thériaque. Le Savoir pouvait guérir tous les Maux. Il assurerait le bon fonctionnement de mon Esprit et le Salut de mon Âme. Je mesurerais et circonscrirais même la Douleur."

 

          Roman d'apprentissage tourmenté où les désirs qui s'éveillent se dressent comme autant de démons en de cruelles pulsions dont l'emprise va être absolue...

 

          Tristan se remet tout juste d'une étrange maladie nerveuse très profonde lorsque après quatre années de séparation, Nathaniel vient le chercher et  l'entraîne dans une auberge. C'est la Nuit de Walpurgis où le voile s'amincit et où les Hommes et les Esprits marchent sur la terre...Tristan ne semble plus discerner la réalité de la fantasmagorie.

 

          " Qui osera diviser ce qui est un ? Qui tracera une Ligne de Séparation entre l'Ange et la Bête ?" déclame Nathaniel entouré des bohémiens qui vont chanter et danser. Il y a la senteur des jacinthes et des jonquilles, le parfum de la fumée de bois de pommier, il y a des guirlandes d'épines noires et des bouquets d'aubépine...

 

          Après la beuverie, vient le retour à travers les champs et peu avant l'aube quand le ciel se teinte de violet à l'Orient, Tristan découvre qu'il est jaloux si Nathaniel ne l'est pas. Il entend le battement d'un tambour ou le battement de son cœur...Est-ce une hallucination ?

          Comment expliquera-t-il ce qui est arrivé à la jeune bohémienne qui était avec eux, à présent qu'elle a disparu si bizarrement ? Que dire à Nathaniel qui le questionne :

 

          "-Que s'est-il passé Tristan Hart ?...Du sang sur le Visage pour la deuxième fois ce soir, et cette fois c'est le tien."

 

          Pour quelle raison avait-il fait mal à cette créature, ce n'était ni par haine, ni par dégoût. Une sombre joie l'avait envahi. Au fait de la passion, au-delà du plaisir et  de la peur le soulagement était possible.

          La concupiscence et un besoin pernicieux s'étaient emparés de Tristan et, la révulsion de ce qu'il avait fait, la stupéfaction de ce qu'il avait vu le chaviraient...

 

          Je n'en raconterais rien...

          Il y a tant à découvrir au fil des pages, ceci n'est que l'esquisse d'un commencement...

 William Hunter (anatomist)

          A Londres où son père accepte qu'il puisse étudier l'anatomie avec le grand chirurgien William Hunter, Tristan n'est plus l'innocent qui avait craint d'être diabolique ; il se met à fréquenter un élégant bordel à Coven Garden bien que depuis l'étrange nuit de Mai, il eut presque cessé de ressentir du désir charnel.

          Perturbant et perturbé jeune homme que Tristan Hart doté d'une intelligence précoce et d'une sensibilité excessive !

 

          "Foutre me procurait de temps en temps du Plaisir, mais de plus en plus rarement."

          Tristan ne trouve d'apaisement que dans le perfectionnement de l'art d'attacher de sorte à provoquer les douleurs les plus aiguës.

          "Les plus purs Hurlements suffisaient souvent à m'apporter une complète Satisfaction."

          Des doutes sur ses penchants l'avaient angoissé, mais à y réfléchir il se disait que son vice était véniel comparé à beaucoup d'autres puisqu'il ne désirait pas avoir des relations avec des enfants ou des animaux.

 

          Afin d'assister aux noces de sa sœur, au mois de juin Tristan retourne chez lui. Peut-être aura-t-il enfin des nouvelles de son ami Nathaniel?... C'est alors qu'il va être bouleversé par Katherine une jeune fille qui lui parait murée dans un purgatoire personnel, hors d'atteinte des hommes et peu désireuse d'en sortir.

 

          "Fasciné par elle je ne m'étais pas rendu compte que je la dévisageais." Elle a des yeux gris clair aussi lumineux que la lune et, très vite il découvre que si son vice est presque l'opposé du sien, elle trouve en s'enfonçant dans le cœur ténébreux de la douleur la même récompense que lui.

          "Nous étions tous les deux des Monstres, ou bien des Anges déchus..."

 

          Roman passionnant et déchiré sur la différence et la quête de l'être, du corps et de l'âme. Combattre rêves et chimères de l'enfance pourrait-il compromettre l'équilibre mental?

          Tristan Hart oscille sans cesse à la lisière des aberrations de l'Esprit et le récit de sa vie fort touchant suscite une empathie irrésistible.

          On peut deviner la transexualité de l'auteur Jack Wolf à travers le conte que Katherine écrit pour Tristan:

saule-pleureur 

          "Dans le jardin de la maison pousse un Saule qui est aussi svelte et aussi beau qu'une jeune fille. Les Feuilles ressemblent à des Mèches de Cheveux et l'Ecorce, à la peau la plus blanche et la plus douce. Lorsqu'il bruisse dans le Vent on dirait qu'il chuchote. Leonora rêve qu'elle est le Saule qui s'est animé et que le Saule est Leonora."

 

          Les questionnements de Tristan ne sont-il pas de tous les temps?

 

          "Si ma Mémoire et mon Imagination étaient aussi troublées que cela le laissait penser, alors ma Santé mentale apparente était aussi illusoire que les ombres sur le mur... Etait-il possible que l'Esprit de tous les Hommes fonctionnent ainsi?... Peut-être y avait-il des Ténèbres dans l'Esprit où l'œil de la Conscience ne pénétrait pas. Où se trouvait la Mémoire ordinaire quand elle n'était pas en train de se ressouvenir? Elle ne cessait pourtant pas d'exister..."Jack Wolf

 

           

"Transexuel, femme devenue homme, père de deux enfants, Jack Wolf a fait une brève carrière dans l'enseignement avant de se consacrer à l'écriture. Misericordia est son premier roman. Jack Wolf vit avec sa famille dans les environs de Bristol."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                 Hécate.

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 16:20

 Château fleur 9-001

 

Promesse de printemps

 

Aube de la violette qui comprend le printemps,

Modeste pudeur esseulée

Au vert tapis du renouveau,

Nuit moins profonde au lit du temps.

 

Dans le château du rêve

L’éternel monarque en tenue intemporelle

Lycanthrope de la volupté

Met ses gants devant le miroir ;

 

Point de reflet, la solitude n’en veut pas !

Celle qu’il a amenée, des pensées

Renvoie le velours profond des pétales,

Et ranime en ses yeux blasés

 

L’appétit perdu que retrouvent parfois,

Loin de leurs bois et de leurs plaines,

Les bêtes sauvages et captives

Dont l’iris de l’œil s’est fané.

 

Ni ange, ni démon, à peine homme

Visage sculpté dans une beauté

Dont le terrible se dissimule dans l’ombre,

Lèvres closes comme des roses, sur deux crocs d’ivoire.

 

La créature de ses noces de sang

Lève des échos dans sa destinée.

Toutes les fenêtres regardent vers le Nord

Une chambre, une seule s’ouvre sur le soleil

 

Le soleil de l’aube justement,

Pour l’or dans les draps

Quand elle ouvrira les yeux

Encore enlacés à la pervenche du rêve.

 

Une perle, une larme sur sa joue,

Le printemps brise intime

Qui réveille des langueurs

Qui assaille le cœur …

 

 

Le creux de son épaule, muscle fleur

Epanoui sous l’averse de sa chevelure …

Il lui a promis ce château, des cages pleines d’oiseaux

Et des robes périssables comme des fruits.

 

Il l’entend écouter le croassement

Des corbeaux impatients de la rencontrer :

« Bien-aimée, la vie s’use vite,

Tu es entrée dans la cage sans savoir …

 

Ecoute le cri saisissant qui déchire

Sans briser jamais les murs de la demeure ;

Je goûterai le suc de ton sourire

La grande nuit barbare est une épine …

 

Tes doigts blancs comme le péché

Ne vont plus tarder à se cacher

Dans le noir plumage des seuls anges

Qui comprennent mon cœur démiurge ;

 

Il est des ailes comme des feuillages

En leur abri, l’enchantement tient

De la graine du pavot,

De la douceur d’un vent de mai.

 

En ces lieux, l’espace est une pesanteur,

Les pressentiments sont nombreux comme les fleurs

D’un jardin cultivé pour la lumière.

Il n’est possible, ici, que la flamme des bougies.

 

Comme l’ombre fossilisée je suis.

Je serai ta parure, ton collier, ta bague …

Tu me porteras comme on porte son passé

Riche de connaissances et plus encore … »

 

Détruire la jeunesse est si facile

Que cela cesse d’être un jeu. Un hasard, peut-être ? …

Le sang obscurci attend le renouveau,

Le désir est une jacinthe fraîche éclose.

 

 

Une porte grince, la baignoire sur ses griffes,

Tapie dans la pénombre, l’invite :

Toilette de printemps, eau tentante comme la rosée,

Sur le seuil, elle s’étonne et se ravie …

 

L’amante est seule face à l’agrément de son tourment.

A travers les couloirs, les escaliers, le vide,

Elle frissonne comme une herbe effrayée

Sous l’ombreuse froideur d’un cyprès.

 

La présence de l’amant est puissante comme un parfum,

Il se tient quelque part, avec des promesses de talismans,

Des mots de pacotilles, des cadeaux coûteux

Dont il lui faudra, elle le sait, goûter le prix …

 

Un narcisse dans un vase d’étain l’émeut.

Le printemps est là avec ses chaînes d’argent,

Manteau de Vénus, léger comme une aile

Couleur de lilas, amer comme la saveur du sang.

 

Hécate

 

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 18:46

cover James BradleyLe Résurrectionniste

de

James Bradley

 

 à GERTRUDE...

 

          Londres, 1826. Le jeune Gabriel Swift entre en apprentissage chez le chirurgien Poll, chercheur visionnaire qui dissèque les cadavres afin de comprendre la véritable nature de l'être humain. Pour ce pionnier, le progrès scientifique est à ce prix : l'opprobre d'une société qui n'est pas encore prête à lever l'un de ses plus anciens tabous. Afin de se procurer les cadavres nécessaires, Poll est obligé de traiter avec des "résurrectionnistes", de dangereux criminels qui pillent les cimetières. A leur contact, Gabriel se laisse corrompre...

          Un roman gothique, noir et lyrique, dans la lignée des grands classiques anglais.

"Une intense et profonde méditation métaphysique..." (The Sidney Morning Herald)

 

 

          Dès les premières pages l'ambiance froide et ténébreuse est là, fascinante. Les élèves d'un anatomiste dans les profondeurs d'une cave coupent à l'aide d'un couteau la corde qui ferme le sac où sont "les morts portés comme dans le ventre de leur mère ; genoux contre la poitrine ; tête en bas comme si la mort n'était qu'un simple retour à la chair dont nous sommes issus, une seconde conception...

 

          Je ne saurais dire pourquoi nous travaillons en silence, nous savons seulement qu'il doit en être ainsi... Il nous arrive en d'autres occasions, de nous affairer parmi eux comme s'ils n'étaient pas là, parlant et riant alors que nous incisons ou trimballons des morceaux de leur corps, les déplaçant avec autant de désinvolture qu'un livre ou une veste abandonnés à un endroit où quelqu'un voudrait s'asseoir."

 

          Depuis trois mois Gabriel est à Londres. Il est arrivé un soir sous un ciel couleur de sang. Il portait un costume noir, neuf comme la vie qui s'ouvrait à lui.  C'est avec lui que nous sommes tout au long des pages partageant ses journées, ses pensées, ses nuits, son apprentissage avec les autres garçons qui entourent M. Poll un éminent chirurgien.

          Mots échangés, courtes scènes de sa vie quotidienne sont comme autant de visions, de chuchotements se perdant dans le brouillard de Londres : la lueur du feu dans la cuisine, celle des lampes ou de la bougie dans sa chambre glacée.

 

            "Même dans cette maison où nous vivons si serrés les uns contre les autres, il est possible de se sentir seul. Il y a beaucoup de choses dont nous ne parlons pas et beaucoup de choses que je garde pour moi."

 

          Le père de Gabriel est mort quand il avait douze ans, il avait retrouvé son corps  à moitié recouvert de neige sous un ciel qui paraissait aussi fragile qu'un œuf. Rien n'altérait la neige, sinon l'endroit où son chien avait blotti son nez et, la longue ligne d'empreintes d'oiseau...

 

          Absorbé par ses tâches, entraîné par ses nouveaux amis lors de ses heures de loisir, Gabriel découvre les rues glauques hantées par les miséreux de St Giles ou de Southwark, les bouges où l'alcool et l'opium altèrent la perception de ses sensations, brouillent la réalité sordide. Dans un théâtre le charme troublant d'un visage féminin . "Ses yeux dessinés sur la pâleur fantomatique du maquillage semblent énormes, liquides, et sa bouche, large comme la douleur."

 

          Progressivement la descente vers l'horrible va s'insincimetière de Tours 13 octobre 2012 028uer dans un lent flottement d'événements presque anodins qui distillent l'inquiétude.

 

          La nécessité de se procurer des corps afin de les disséquer  entraîne le maître anatomiste à composer avec ceux qu'on appelait les Hommes de la Résurrection qui déterraient les cadavres dans les cimetières ; le commerce de la mort pour survivre pour les uns et, pour d'autres explorer toujours plus loin la structure des corps, à la poursuite de l'essence même de la vie .

 

          "Il y a toujours quelque chose de troublant dans la manière dont le visage glisse si promptement sur les os, comme s'il n'était qu'un simple masque, porté puis jeté."

 

          Bien souvent lorsqu'il se trouve seul, Gabriel regarde le portrait de sa mère, une peinture maladroite dans un médaillon ; combien de fois ne l'a-t-il contemplé, essayant d'imaginer sa voix, son toucher.

 

          "Je pense parfois que nos parents continuent de vivre en nous comme des fantômes ou une prophétie."

 

          Un jour comme souvent, Gabriel s'installe tranquillement dans la bibliothèque avec ses livres: " Sur la table gisent les bras d'une femme que Caley a apporté deux jours plus tôt, leur peau est retroussée afin que je puisse les dessiner. Je prends mon crayon et commence. Quelques minutes s'écoulent, puis dans le silence un moineau se pose et demeure immobile. Mon crayon s'arrête, en suspens au-dessus du papier...Je laisse courir ma main, traçant la forme de sa tête, la ligne épaisse de son dos, dessinant aussi rapidement que je le puis ; et mes yeux passent de ma page à l'oiseau, essayant de l'imprimer dans mon esprit, de saisir son essence...Lorsque je lève à nouveau les yeux, l'oiseau me regarde. Mon crayon dans ma main se fait silencieux ; ses yeux noirs rencontrent les miens, pleins de vie, animés d'une conscience éveillée."

Moineau

          Gabriel sera semoncé. Ce n'est pas là ce qu'il doit dessiner. Cette anecdote a son importance, aucune phrase n'est anodine  dans ce roman ; le désordre qui va désagréger la vie du jeune homme se dissimule derrière chaque ligne . Les rapports de force pernicieux  et la cupidité méchante vont le jeter à la rue...le précipiter vers l'abîme.

 

          Au-delà d'un roman d'atmosphère noire se déroulant au 19ème siècle, c'est une profonde méditation sur la capacité de l'être à renaître, à échapper à la folie après avoir commis des actes effroyables, pris dans l'engrenage de terribles circonstances.

          Une grande beauté d'écriture, à la fois sobre et lyrique ; j'ai quitté à regret ces 347 pages qu'il m'a semblé lire à la chandelle tant l'ombre y est dense.

La seconde partie se déroule en Nouvelles-Galles du Sud en 1836. Le royaume des oiseaux.

 

          "Ce que j'avais été, ce que j'avais fait, devenait différent, se rattachait à une autre partie de mon être. Tout cela demeurerait à jamais en moi, mais devenait étrangement facile à accepter. Je suis comme désincarné, devenu aussi transparent que le bruit du vent dans les arbres."

 

 

                                                                                         Hécate

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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 16:20
                         à Baïne 
CONTRE-TEMPS
Si tu avais connu mon enfance
Enfant, tu me prendrais par la main
Tu mettrais tes pas sur mon chemin
Et tu m'offrirais tes rêves pour mon errance.
Ensemble, toi dans ton temps
Moi en arrière, toi chevalier du futur,
Nous pourrions avoir le goût des confitures
Et celui des contes de fées d'antan.
Tu joues à la guerre, aux hécatombes
Tu es le grand maître de ta vie
Moi qui ne joue plus, je t'envie,
J'ai rêvé au milieu des décombres...
Si tu avais connu mon enfance
Je t'aurais offert tous mes rêves,
De n'être plus comme toi, j'en crève
Ton univers est devenu mon absence...
Enfant au royaume d'enfance tu détiens
Toutes les clefs, toutes les serrures du destin,
Ouvre-moi la porte magique de demain
Par la main, je te prends, par la main, je te tiens.
Avec toi, je franchis le pont-levis des châteaux de sable,
Je bois le philtre magique couleur d'orangeade,
Je pars à la recherche de l'anneau de jade
Et m'endors doucement en jouant sous la table...
                                                                                 Hécate
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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 21:59

daniel-arsand-que-talQUE TAL

de

Daniel Arsand

 

 

« Que l’on soit en janvier ou en juillet n’a aucune importance, que ce soit le printemps ou l’automne m’indiffère. Je ne sais pas ce qu’il pense, lui, des saisons, du passage de l’une à l’autre, j’ignore tout de ses songes et de ce que son regard retient, pourtant il m’est si proche, si proche et si indéchiffrable.
Qu’importe le froid ou le chaud, le dedans ou le dehors, puisque nous sommes ensemble, lui et moi, parce que nous sommes vivants au point d’oublier qu’un des deux puisse fausser compagnie à son presque double, à son presque semblable, à son compagnon, fausser compagnie, mourir, crever, au choix, noria, tout ce qu’on veut. Nous sommes dans notre histoire et nous croyons qu’elle n’est que du présent, à jamais, toujours, un aujourd’hui infini, d’une éblouissante monotonie. »
Que Tal, la beauté féline, le corps souple, chat magnifique, fut l’amour de son maître. C’est une histoire peu commune et c’est aussi un questionnement troublant sur la part animale présente en chacun de nous.

 

 

          "Les chats ne meurent que dans l'esprit de celles et de ceux qui n'osent pas aimer ou s'aiment trop pour savoir écouter un silence." (Yves Navarre. Une vie de chat.)

 

          Sous la plume de Daniel Arsand le silence s'écoute, mots, phrases, ne sont que bruissements, chuchotements ou clameurs. Des pages de ses livres, blanches comme des linceuls, surgissent les absents, les disparus. Il suffit d'une odeur évoquée, de l'incandescence d'un souffle pour que dieux, lieux, héros et bestiaire qui hantent toute l'œuvre semblent franchir les frontières de l'invisible, rassemblés en une unique corolle.

          Cette fois plus que jamais il nous parle de son intime, de sa vie tissée d'absence et de mélancolie.

 

          "J'écris sur Que Tal aujourd'hui et je m'aperçois que dans mon journal je notais rarement ses humeurs, ses petits ennuis de santé, que je ne décrivais que par entrefilets sa beauté, notre vie en commun. Il m'habitait et ne résidait guère entre mes mots. Sans doute parce qu'il s'était magnifiquement incorporé à mon quotidien. Le contempler me suffisait amplement... Je n'avais nul besoin de mots pour me rapprocher de lui. Il n'y avait pas de conflit. Nous n'avions donc pas à nous balancer d'atroces vérités. La haine, la frustration, le ressentiment, l'envie ne nous concernaient pas."

 

          "Un jour, une amie déposa au creux de mes bras un roi.

 

          Ce fut Que Tal.

          Bonjour, et comment ça va ?"

 

          Il y a bien plus dans ce récit confidentiel, que les douze années vécues avec le chat Que Tal, l'ombre de brume, la crémeuse présence, l'animal couleur de neige et d'argent, le compagnon de nuit à chaque fois si longuement contemplé plus qu'aucun autre.

 

          " Nous sommes dans la réalité et l'illusion, tout en même temps, ritournelle essentielle, fleuve, îles à la dérive, chant tordu par un vent sans naissance ni fin, nuit qui est presque du jour, nous sommes jetés dans un unique mouvement, épousailles si communes, si heureuses souvent, un peu de bonheur, comme des flocons de neige, de l'écume, quelques épis de blé. Il n'y aura pas de séparation. Il n'y a pas eu d'agonie, mais que sais-je de l'agonie, qu'en sait-on, vous comme moi ? J'ai vu mourir mon père et ma mère, j'ai vu mourir des amis du sida, j'ai vu mourir des inconnus dans la rue, sans rien savoir, sans pouvoir concevoir ce qui les a étreints à l'instant dernier."

 

          La mort de Que Tal est un chagrin absolu, le plus immense de tous "car les résumant tous, les chagrins d'une vie, les illustrant tous, monstrueux chagrin, me laissant dans l'incompréhension de la mort, ravagé et de plomb."

 

          "Quel mot donner à ce qui interrompit à jamais les battements de son cœur de chat ? Dites-le moi !

 

          On m'a asséné le mot juste, le mot clinique.

          L'embolie.

 

          Embolie. Presque un nom de fleur. Ou de femme. De déesse antique, de nymphe.

 

          Où es-tu ?

          Et qu'ai-je saisi de toi, Que Tal, et je suis animal moi aussi, griffes, terreur et sensations.

          Tu n'étais pas fait que de beauté, mais de riens et de mort. Comme moi.

J'étais bête aux abois, je miaulais à mort, j'étais chat, j'étais animal...je miaulais mon désespoir, ton absence, entendais-tu cette toute petite part de toi feuler en moi ? "

 

          Quand j'ai commencé à lire ce livre j'étais encore debout, je venais de rentrer chez moi, j'avais oublié de m'asseoir, de quitter mon manteau ; j'ai interrompu ma lecture le temps de le jeter sur le fauteuil, je me suis assise, et, j'ai lu sans m'arrêter.

 

          Cette écriture, cette voix qui déjà m'avait empoignée en découvrant "Des Amants" m'emportait et me rappelait "Ivresse du fils", un récit qui ouvrait les cachots de la mémoire, disait les heures où terre et ciel s'abreuvent, aux ténèbres naissantes où les roses qu'elles soient jaunes ou roses paraissent d'ivoire...Des mots de peintre pour dire les couleurs de l'adolescence "gris ciment pour mes chagrins, couleur de la rouille  pour mes amours impossibles, le vert d'eau d'une mare pour les humiliations...le bleu maculé de boue pour mes rêves sinistrement torrides " ; comme si chaque douleur était un cri qui s'écrit dans une soif inépuisable...

 

          Pas de photos de Que Tal dans ce livre. Daniel Arsand en a faites plus de trois cents. Trois albums !... Grande serait la tentation de les voir... C'est peut-être mieux ainsi... Je ne sais pas.

 

          Que Tal est vivant dans ces pages... Mieux qu'un tombeau, un mausolée, c'est une ode élégiaque ardente.

 

          "Que Tal et l'adieu à Que Tal.

          Comment ça va, mon amour? "

 

          J'aimerais demander à Daniel Arsand qui avoue sa répulsion des cendres, pourquoi il y a tant de feu, de flammes, d'incendies dans ses livres?...

          Et comment se disant intouché par la plupart des êtres, il parvient à toucher les déchirures et les emportements de l'âme, à bouleverser si intensément avec ses romans traversés des fulgurances de l'amour?...

 

                                                                                                        Hécate.

 

 

          "Libraire, éditeur, romancier, lauréat du prix Femina du premier roman 1998 pour La Province des ténèbres, prix du jury Jean-Giono 2000 pour En silence, Daniel Arsand a également publié Un certain mois d'avril à Adana, prix Chapitre du roman européen 2011. Ses livres ont été traduits dans une dizaine de pays dont les Etats - Unis."

 

 

Bibliographie :

 

Mireille Balin ou la beauté foudroyée, Editions de La Manufacture 1989.

Nocturnes, HB Éditeur, 1996.

La Province des ténèbres, Phébus, 1998, Prix Femina du premier roman

En silence, Phébus, 2000, Grand Prix Jean Giono du deuxième roman

La Ville assiégée, Le Rocher, 2000.

Lily, Phébus, 2002.

Ivresses du fils, Stock, 2004.

Des chevaux noirs, Stock, 2006.

Des amants, Stock, 2008, Grand Prix Thyde-Monnier de la Société des Gens de Lettres

Alberto, Editions du Chemin de fer 2008

Un certain mois d'avril à Adana, Flammarion, 2011 prix Chapitre du roman européen 2011.

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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 18:25

Botrel

 

 

 

 

A L'AN NOUVEAU

 

 

 

par Théodore Botrel

1868 -1925

 

 

 

 

Bien que ton petit pied nous pousse

Sournoisement vers le tombeau,

Nous arrivons à la rescousse

T'acclamer, petit An nouveau !

 

Sur le bras qui tremble, alangui

De l'an moribond qui t'apporte,

Tu sembles un bouquet de gui

Fleuri sur une branche morte !

 

Petite année à peine éclose,

Enfant de mystère vêtu,

Dis-moi, dans ta menotte rose,

An neuf, que nous apportes-tu ?

 

Viens-tu par quelques lois heureuses,

Donner aux gueux, sans toit, sans pain,

Mieux que de belles phrases creuses

Qu'il épelle en crevant de faim ?

 

Vas-tu, dans toutes nos cités,

Faire enfin pour ta grande gloire,

Fleurir toutes les libertés ....

Y compris celle aussi de croire ? ...

 

Allons-nous, dans les cieux, aux voiles

Déchirés par tes doigts menus,

Voir surgir toutes les étoiles

Que des aveugles ne voient plus ?

 

Viens-tu pour éclairer tous ceux

Que la marche en avant irrite,

Mais aussi les fous dangereux

Qui vers l'avenir vont trop vite ?

 

Va-t-on dans l'aube qui commence,

Sur ton ordre par toi jeté,

Entonner dans un chœur immense

Un hymne à la fraternité ?

 

Bref que couves-tu, dans ton nid,

Pour la grande famine humaine ?

-        Si c'est de l'amour, sois béni ! ....

Sois maudit si c'est de la haine !

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